Mme Sandrine BELIER
Mme Malika BENARAB-ATTOU
Mme Françoise CASTEX
Mme Catherine TRAUTMANN
Mme Marie-Christine VERGIAT
M. Dominique RIQUET
Députés au Parlement européen
Parlement européen
ASP 8G318 / ASP 08G317
60, rue Wiertz
B-1047 BRUXELLES
Mesdames les Députées, Monsieur le Député,
Je vous remercie de la lettre du 22 mai 2013 par laquelle vous me faîtes part de tout l’intérêt que vous portez aux négociations en cours au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle pour améliorer l’accès des personnes souffrant d’un handicap de lecture aux œuvres protégées par le droit d’auteur. Dans la perspective de la Conférence diplomatique qui se réunira à Marrakech à partir du 17 juin, je partage votre vigilance quant à la nécessaire définition de règles efficaces pour l’accès aux œuvres.
Vous connaissez l’importance accordée par le législateur français et par la politique mise en œuvre depuis 2006 à l’accès à la culture des personnes en situation de déficience visuelle. Un dispositif facilitant l’accès des déficients visuels aux livres fonctionne de façon efficace par le biais d’une exception légale. Ce dispositif prévoit deux modalités d’adaptation : la réalisation d’adaptations de livres par des structures ayant reçu un agrément et la réalisation d’adaptations directement à partir de fichiers numériques fournis par les éditeurs à des structures bénéficiant d’un agrément spécifique. La Bibliothèque Nationale de France a conçu la plateforme technique qui assure le partage de fichiers numérisés fournis par les éditeurs.
Je me suis inscrite depuis ma prise de fonctions dans cette inspiration, en demandant à l’Inspection Générale des Affaires Culturelles un rapport, qu’elle vient de terminer, sur les améliorations qui pourraient encore être apportées au dispositif français.
A mon initiative, le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a également demandé à l’auteur de ce rapport, Mme Catherine Meyer-Lereculeur, des propositions sur la dimension internationale de cet enjeu, tant dans le contexte des négociation à l’OMPI que pour répondre aux enjeux immédiats de circulation transfrontière des fichiers nécessaires à l’édition adaptée.
C’est un modèle pragmatique de « tiers de confiance », qui a montré son utilité dans la pratique, que la France a naturellement promu dans le cadre international avec la création de plateformes de mutualisation et de partage de fichiers entre les associations d’éditeurs et des représentants des personnes handicapées dans le respect des législations nationales. Dans le cadre du dispositif envisagé par le projet de traité, ces plateformes d’échanges de fichiers auxquelles doivent avoir accès des associations « tiers de confiance » ont un rôle clé à jouer au cœur du dispositif.
Ce rôle clé des tiers de confiance a pour objet de permettre un accès optimal et sécurisé aux fichiers d’édition adaptée et ne saurait se traduire, comme vous le notez, par un surcroît injustifié de complexité pour les personnes malvoyantes. C’est pourquoi la position de l’Union européenne et de ses Etats membres, reflétée initialement dans leur proposition de texte de juin 2010, a évolué afin que les conditions entourant la mise en œuvre du futur instrument n’aboutissent pas à interdire l’envoi de fichiers vers des Etats n’ayant pas mis en place un tiers de confiance. L’Union européenne et ses Etats membres ont ainsi proposé, lors de la dernière session de discussion à l’OMPI, que l’envoi direct soit possible lorsqu’il n’existe pas d’association locale. La France est sensible à une mise en place effective du transfert de fichiers et sera attentive, lors des négociations, à ce que ne soient pas imposées des conditions au partage de fichiers qui aboutiraient à ce que les personnes handicapées visuelles ne bénéficient pas de l’accès aux livres.
Sur le second sujet de préoccupation que vous mentionnez, à savoir la condition d’absence de disponibilité commerciale qui pourrait être imposée pour faire jouer l’exception, je souhaite rappeler que l’offre commerciale de livres numériques se développe, contribue largement au partage et à l’accès aux livres dans le monde entier, et doit être encouragée. A cet égard, les standards de fichiers adaptés ouvrent des perspectives d’autant plus prometteuses que des accords facilitent la circulation de ces œuvres sur une base commerciale. C’est dans ce cadre que certaines délégations de l’OMPI – dont l’Union européenne et ses Etats membres – ont souhaité de longue date la prise en compte de la disponibilité commerciale dans le cadre du futur traité.
Sensible aux préoccupations que vous soulignez, je veillerai dans le même temps à ce que cet élément, qui, comme vous le savez, ne figure pas pour sa part dans la législation française, n’entrave pas indûment les échanges transfrontières. Si cette condition est adoptée dans le cadre de la conférence diplomatique à Marrakech, elle ne devra pas constituer une charge pour les entités autorisées qui procèderont aux échanges de formats adaptés.
Sur l’ensemble de ces enjeux, les équipes du ministère de la Culture et de la Communication, qui coopèrent étroitement avec celles de la Commission et de la Présidence de l’Union, sont mobilisées afin de répondre au mieux aux attentes que soulève le projet de traité.
J’attache comme vous le plus grand prix à ce que les personnes ayant des difficultés de lecture puissent accéder aux livres et souhaite qu’un traité puisse être conclu qui apporte une réponse pragmatique et efficace aux enjeux sociaux tout en s’inscrivant dans les grands principes du droit d’auteur. .
Je vous prie de croire, Mesdames les Députées, Monsieur le Député, à l’expression de ma considération distinguée.
Aurélie FILIPETTI