Madame Aurelie Filippetti
Ministre de la Culture et de la Communication
3, rue de Valois
75001 PARIS
Paris le 2 juillet 2012
Objet : Traité de l’OMPI pour améliorer l’accès des aveugles, des déficients visuels et autres personnes souffrant d’un handicap de lecture. Position de la France.
Madame la Ministre,
En 2009, les gouvernements du Brésil, de l’Équateur et du Paraguay ont proposé au nom de l’Union mondiale des aveugles un traité à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Ce traité aurait pour objectif de promouvoir l’harmonisation internationale des limitations et exceptions au droit d’auteur pour améliorer l’accès des aveugles, des déficients visuels et autres personnes souffrant d’un handicap de lecture à un patrimoine culturel dont moins de 5 % leur est aujourd’hui accessible, faute de livres disponibles dans des formats appropriés.
Le traité proposé a pour finalité l’harmonisation à l’échelle internationale d’exceptions afin de faciliter le partage au niveau mondial des ressources nécessaires à la production de formats accessibles. Ces exceptions figurent d’ores et déjà dans la législation française, suite, notamment, à la loi du 1er août 2006 instituant une exception au droit d’auteur en faveur des personnes « empêchées de lire d’une manière classique ».
En outre, les accords volontaires ont montré leurs limites. Le lancement par la Commission européenne, fin 2009, d’un dialogue entre les différentes parties prenantes visait l’établissement d’accords de licence avec les maisons d’édition, afin de permettre le transfert de livres auprès des organisations d’aveugles et de malvoyants en mesure de les adapter dans les formats adéquats. Le caractère non contraignant de ces accords et l’absence de progrès constatés a cependant poussé l’Union mondiale des aveugles à se retirer de cette initiative.
En février dernier, le parlement Européen s’est prononcé à l’unanimité en faveur d’un vote pour un traité contraignant à l’OMPI. Face aux demandes des députés lors de la séance plénière du Parlement, la Commission de l’Union Européenne, représentée par le commissaire Barnier a accepté de demander aux Etats membres un mandat pour négocier un traité contraignant. Cette prise de position au niveau européen est cruciale. Reste maintenant aux Etats membres de la suivre, en particulier nous pensons que la France ne peut plus rester en retrait.
Il est évident que depuis 2006, avec la mise en place de la plateforme Platon, confiée à la Grande Bibliothèque de France à Paris, l’exception peut fonctionner en partie à l’intérieur de notre pays. Mais ce n’est certes pas suffisant, il nous faut un accord avec tous les pays du monde, et ce n’est qu’un traité contraignant qui permettra :
– l’échange entre les pays de même langue,
– un gain de temps et un gain financier important pour les organismes en charge de réaliser les adaptations, aspect particulièrement important pour les pays en voie de développement,
– d’adopter un format unique accessible à tous.
Comme les membres du Parlement européen, nous espérons que vous serez sensible à l’appel des citoyens, votre volonté de « rendre la culture accessible à tous » allant en ce sens. Nous ne doutons pas que vous insisterez au sein du gouvernement pour que la France soutienne fermement la mise en place de ce traité lors des prochaines négociations, qui doivent avoir lieu (du 16 au 22 juillet 2012) à l’OMPI – Genève.
Vous remerciant de l’intérêt que vous voudrez bien porter à notre requête et restant à votre disposition pour nous entretenir de cette question, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’expression de nos sentiments respectueux.
Le Président
Ph. Chazal